Les mustélidés, forment une famille comprenant des espèces comme le blaireau, la loutre, la belette… Comme le renard, on considère un certain nombre d’entre elles (belette, putois, fouine, martre) comme étant « nuisibles » lorsqu’elles entrent en interaction avec les activités humaines. Elles souffrent, notamment d’une mauvaise perception culturelle. Dès lors, elles sont présumés nuisibles alors qu’elles sont, bien souvent, plus utiles à la santé des écosystèmes…
Nous en avons parlé avec l’équipe de la Société Française d’Étude et de Protection des Mammifères (SFEPM).
« Il a fallu que certaines d’entre elles soient au bord de l’extinction (…) en France et que des naturalistes sonnent l’alerte (…) mais c’est encore loin d’être le cas pour tous les mustélidés. »
De nombreux mustélidés sont présents sur le territoire français (blaireau, loutre, fouine, belette, martre, putois, hermine, vison d’Europe…). Pourtant si l’on protège certaines d’entre elles, d’autres sont considérées comme des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (ESOD)…. Pourquoi ?
Ces espèces, comme les carnivores (le renard, par exemple NDR) en général, sont considérées comme des concurrentes de nos activités. On les accuse de porter atteinte au « petit gibier » et aux poulaillers. Et elles souffrent donc d’une image négative, voire d’une mauvaise réputation, solidement ancrée. Elles ont pour la majorité toujours été chassées, et même exploitées pour leur fourrure au cours de l’Histoire. Historiquement donc, on a toujours autorisé leur chasse et leur exploitation… Notamment pour se prémunir des “dégâts” réalisés – d’où le statut d’ESOD qui perdure encore aujourd’hui. Il a fallu que certaines d’entre elles soient au bord de l’extinction (comme la Loutre d’Europe ou le Vison d’Europe) en France et que des naturalistes sonnent l’alerte et se mobilisent pour que leur statut évolue. Mais c’est encore loin d’être le cas pour tous les mustélidés.
Le Putois d’Europe est actuellement dans cette situation. Si l’espèce ne va pas s’éteindre, elle est considérée comme “quasi menacée” sur la Liste rouge française. Et elle est en fort déclin dans toute son aire de répartition. Comme pour tous les mustélidés, il n’existe pas de protocole fiable qui permette d’estimer ses populations en France. Mais les observations des naturalistes accumulées depuis plusieurs décennies montrent qu’il a disparu de certains secteurs. Et qu’il est présent en faible abondance dans d’autres, où il était auparavant abondant.
Nous espérons donc que son statut va évoluer. Comme cela a été le cas pour la Loutre et le Vison d’Europe. A notre connaissance, les autres mustélidés ne sont pas menacés. Mais là non plus, il n’y a pas de protocole scientifiquement fiable qui permette de garantir que leurs populations se portent parfaitement bien. Par précaution, il est donc nécessaire de limiter leur destruction. Et de revoir leur statut et de mettre en place des suivis efficaces à l’échelle nationale pour garantir leur bon état de conservation.
« Cela vient aussi d’une méconnaissance de la biologie des mustélidés. Très discrètes, elles sont rarement observées et donc très mal connues, notamment du grand public… D’où la difficulté à changer leur image négative. »
Ces petits mustélidés sont pourtant des prédateurs, consommant une grande quantité de rongeurs… Pourquoi ne pas prendre ce rôle de régulateur en considération ?
Les impacts négatifs de la présence de petits carnivores (prédation sur le « petit gibier » et les poulaillers, etc.) ont d’abord été mis en avant à une époque où les conditions de vie en France étaient plus difficiles. Comme dit précédemment, cette mauvaise réputation est solidement ancrée dans notre culture. Y compris dans la loi française où ces espèces sont considérées comme nuisant à nos activités.
D’autres prédateurs que l’on a domestiqués ont endossé le rôle de régulateurs des petits rongeurs, comme le Chat domestique, qui a par ailleurs un impact certain sur la petite faune par la prédation qu’il exerce. Cela vient aussi d’une méconnaissance de la biologie de ces espèces. Très discrètes, elles sont rarement observées et donc très mal connues, notamment du grand public… D’où la difficulté à changer leur image négative.
Pour certaines espèces comme le putois ou la fouine, on invoque les dégâts faits dans les poulaillers… Quelle est la réalité de ces dégâts ?
Le Putois et la Fouine, restent accusés de porter atteinte aux élevages de volailles et au « petit gibier ». Dans les faits, ces dégâts sont marginaux et il est impossible de les prouver, encore moins de les chiffrer.
Même dans le cas d’études scientifiques ciblant la prédation sur les élevages, il est très difficile d’identifier à l’espèce l’auteur de la prédation. Et les dispositifs de protection permettent de réduire efficacement ce type d’intrusions.
« Ces données sur les « dommages » réellement occasionnés (…) se basent sur de simples déclarations et restent donc partielles, voire biaisées. »
Les classements parmi la liste des ESOD reposent sur la compilation des déclarations de dégâts avec enregistrement de leur nombre et des montants unitaires. Ces données sur les « dommages » réellement occasionnés, et remontées par les piégeurs agréés aux départements, se basent sur de simples déclarations et restent donc partielles, voire biaisées. Il n’existe pas de protocole standardisé pour identifier l’auteur de ces « dommages », ni pour évaluer la fiabilité des informations transmises. D’où la limite de la méthodologie de classement actuelle.
De la même façon, on soupçonne les petits mustélidés de menacer la santé publique… Alors que, bien souvent, ils contribuent à la régulation sanitaire des écosystèmes (certaines de ses espèces s’attaquent au rat surmulot)… Pourquoi ce non-sens ?
Ces petits carnivores participent à la régulation des populations de proies. Ces dernières peuvent elles-mêmes porter des maladies (Lyme pour les rongeurs par exemple). La crainte que ces mustélidés posent un problème de santé publique vient d’anciennes représentations ou tout simplement d’un manque de connaissance de ces espèces.
« Le putois souffre d’une mauvaise réputation et fait partie des espèces mal-aimées, voire persécutées »
Le putois a vu ses effectifs décliner (il est protégé dans de nombreux pays européens) mais reste chassable en France… Pourquoi ?
Comme expliqué précédemment, cette espèce souffre d’une mauvaise réputation et fait partie des espèces mal-aimées, voire persécutées… Au même titre que ses congénères qualifiés de “nuisibles”, car on l’accuse de porter atteinte aux élevages de volailles et au « petit gibier ». Dans les faits, ces “dégâts” sont rares et très difficiles à attribuer de façon certaine à l’espèce. D’une part, il est facile de protéger les poulaillers ou autres petits élevages familiaux. Et d’autre part, aucune preuve ne permet d’affirmer que les putois se nourrissent de perdrix et faisans d’élevage lâchés pour la chasse.
Les chasseurs reprochent également aux putois leur goût prononcé pour les lapins. Ce qui révèle une incohérence réglementaire et cynégétique : le Lapin de garenne est une espèce à la fois classée SOD dans une partie du pays. Mais elle est lâchée par des chasseurs pour développer des populations destinées à être chassées. Alors même qu’il est en régression démographique à l’échelle nationale.
Ce statut de gibier est donc totalement injustifié, mais reste difficile à modifier du fait d’un blocage politique. Bien que, dans les faits, les chasseurs recherchent peu cette espèce, retirer celle-ci de la liste des « gibiers » est très mal accepté. Le Putois n’est plus sur la liste des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts » en juillet 2021. Mais il n’est pas tiré d’affaires. Rien ne garantit qu’à la prochaine révision de ce statut, en 2023, l’espèce ne sera pas réinscrite. Seule une protection réglementaire permettrait définitivement d’empêcher la destruction directe des individus.
« Il n’y a en toute objectivité aucune crainte à avoir vis-à-vis de la Martre ».
La martre est plutôt un animal discret. Mais les chasseurs la craignent également : que lui reprochent-ils ? Est ce pertinent ?
Il n’y a en toute objectivité aucune crainte à avoir vis-à-vis de la Martre et ce pour plusieurs raisons. Contrairement à la Fouine, l’espèce reste à distance des habitations humaines. Elle ne sort, en effet que très rarement du couvert forestier (elle est la plus arboricole des mustélidés). De par son régime alimentaire opportuniste et généraliste, la Martre chasse principalement de petits rongeurs. De façon secondaire, elle consomme des oiseaux, des insectes et des fruits (surtout en été et en début d’automne). Certes, l’impact de la prédation cumulé de la Martre et d’autres prédateurs peut influer sur l’abondance des proies. Mais aucune donnée ne prouve que cela puisse compromettre la survie de ces proies… Et encore moins justifier d’une quelconque nuisance.
« En régulant les populations de rongeurs, la martre limite la prévalence de certaines maladies comme la maladie de Lyme chez les rongeurs »
L’espèce n’engendre pas de risque sanitaire particulier car elle ne partage pas de parasite propre à l’espèce humaine. Au contraire, en régulant les populations de rongeurs, elle limite la prévalence de certaines maladies, comme la maladie de Lyme chez les rongeurs.
On peut lui imputer le seul désagrément de prédater des espèces utilisées pour la chasse telles que les Galliformes (Faisan de Colchide, Perdrix rouge, Perdrix grise). Ces espèces prisées font l’objet de lâchers par les associations de chasseurs voire de programmes d’implantation (une autre preuve que cette activité ne régule pas si bien que ça la biodiversité, argument dont cette corporation se targue)
C’est la même chose pour les lapins de garenne. Ce qui est par ailleurs totalement incohérent avec la gestion de cette espèce (voir réponse précédente sur le Putois). Ainsi, la crainte des chasseurs vis-à-vis de la Martre ne viendrait que de la concurrence somme toute limitée sur la ressource cynégétique, de quoi relativiser le supposé caractère « ESOD » de l’espèce
Mieux on connaît les mustélidés, mieux on les protège…
Que peut-on faire pour mieux protéger ces espèces ? Et mieux cohabiter avec elles ?
Tout le monde peut prendre part à la conservation de ces espèces et à l’amélioration de leur image.
Le mieux à faire reste d’arrêter de vouloir “gérer” leurs populations – d’autant plus que l’abattage ne règle bien souvent pas les problèmes posés, au contraire. La notion de « nuisible » est uniquement juridique et n’a aucun sens en écologie. Plus il y aura de personnes informées sur le non-sens du statut d’« ESOD », plus les possibilités d’agir seront fortes. Cette question doit devenir un débat de société.
Par ailleurs, envoyer ses données d’observations aux structures chargées d’améliorer les connaissances sur les espèces contribue à améliorer leur conservation, car mieux on connaît, mieux on protège. Dans les cas où certains individus posent des problèmes, des alternatives à la destruction, éthiquement acceptables et reposant sur la sensibilisation et la prévention (protéger sa propriété pour éviter les intrusions, par exemple) et la modulation et l’adaptation des activités humaines sont possibles et souhaitables. Ces alternatives imposent une meilleure connaissance des espèces concernées et une communication à large échelle.
Pour en savoir plus : L’avis de la SFEPM sur sur le classement des petits carnivores indigènes « susceptibles d’occasionner des dégâts ».