Le philosophe Baptiste Morizot, fait avec cet essai, se rencontrer réflexion philosophique et pratique de terrain. Sur la piste de la panthère des neiges au Kirghizstan, des ours du Yellowstone ou des loups varois.
De ses rencontres avec certains grands prédateurs (ours, panthère, loups), il en tire une réflexion sur notre rapport au vivant. Et il s’interroge sur la manière dont nous nous sommes volontairement extraits de cette entité que nous appelons “nature”.
Ce que l’on retient :
- Le pistage (où l’action d’identifier et de suivre les pistes d’un animal) fait partie de ces activités qui mêlent sensibilité et déduction, activité corporelle et réflexion intellectuelle. Pour Baptiste Morizot, être (ou redevenir) sensible à ces indices, ces signes, ces présences qui ne se voient pas directement… C’est retrouver une forme d’attention envers tous ces êtres vivants que nous avons rendus invisibles. Dans de nombreux paysages où “nous ne voyons rien” si ce n’est de la matière inerte ou un décor. Ces mêmes décors recèlent de vies et d’interactions que le pistage peut révéler.
- Cet acte de pistage, l’homme l’a utilisé pendant 2 millions d’années. Et cela pour suivre des pistes, identifier les animaux et au final, trouver sa nourriture. Ce faisant, il a développé des capacités de déduction, de raisonnement. En reprenant l’hypothèse de l’anthropologue Louis Liebenberg, Baptiste Morizot imagine comment ces pratiques ont permis à l’Homo Sapiens de développer ses aptitudes à raisonner.. Des aptitudes qu’il utilise aujourd’hui pour d’autres usages. L’auteur affirmait ainsi sur Libération en 2018 :
“Primates frugivores devenus omnivores à tendance carnivore, nous avons été obligés, pour pister, de compenser notre absence d’odorat en développant des capacités cognitives d’un autre degré, que celles de nos cousins primates. Dépourvus de nez, il nous a fallu éveiller l’œil qui voit l’invisible, l’œil de l’esprit”.
Pourquoi le lire ?
- Pour ce que nous révèle « Sur la piste animale« … Comment, par le pistage, nous pouvons finalement être proches, voire intimes de l’animal sans pour autant le voir.
- Le pistage permet d’identifier la présence de l’animal. Mais au-delà, il permet de découvrir un comportement, une tranche de vie, une manière d’être vivant, de voir à “hauteur d’animal”. Et si c’était par cette pratique que nous pouvions mettre en œuvre les bases de relations diplomatiques entre les humains et les autres vivants ?
- Sans forcément se mettre sur la trace des grands prédateurs… Nous pouvons commencer à prêter attention à ces formes de vie fascinantes autour de nous… Jusque dans notre lombricomposteur !
C’est parmi nous que prospèrent ou périclitent les vivants, tout contre nous et il n’est pas nécessaire d’arpenter les lieux exotiques (…) pour pister…”
Baptiste Morizot
« Sur la Piste Animale ». Un livre de Baptiste Morizot. Publié en 2018. Acte Sud – Collection « Mondes Sauvages ». Disponible au format poche (Actes Sud – Babel)