La vie sur terre existe depuis plus de quatre milliards d’années. Durant tout ce temps, elle a tissé des relations : entre les êtres vivants, entre ceux-ci et leur milieu de vie. Ce sont ces trames qui ont contribué à donné à notre planète son équilibre. Et les relations au sein d’un écosystème sont très complexes… Peut être même plus qu’on ne veut le penser. Même dans notre jardin !
Tout est lié…
En 1859 Darwin, dans son ouvrage « De l’origine des espèces par voie de sélection naturelle » prend un exemple simple. La fleur de trèfle ne peut pollinisée que par le bourdon. S’il l’un disparaît, l’autre va s’éteindre également. Les mulots détruisent régulièrement les nids du bourdon. Les chats chassent les mulots. Les prairies de trèfles sont donc plus prospères lorsque la population féline est importante… Darwin poursuit le raisonnement plus loin : le trèfle est la principale nourriture du bétail, du bœuf en particulier. La principale nourriture des officiers de la marine anglaise est le bœuf… Bourdons et chats contribuent donc à la puissance de la marine anglaise.
Cet exemple est évidemment schématique. Mais il met en lumière deux éléments. Tout sur notre planète est lié et a un rôle précis à jouer. Et l’homme ne déroge pas à cette règle. Il a besoin de la biodiversité pour vivre convenablement.
Le jardin : un écosystème
Le jardin est un écosystème où s’établissent des interactions :
- entre les être vivants : insectes, mammifères (dont l’homme), oiseaux, amphibiens, reptiles, mollusques…
- entre les êtres vivants et leur environnement : le sol, l’air, l’eau
Si, dans cet écosystème, un déséquilibre se produit, celui-ci cesse de fonctionner correctement. Pour comprendre il faut suffit de représenter une mécanique bien huilée. Tant que celle-ci a l’énergie pour fonctionner, tant que les composants de son système sont en bon état, elle fonctionne. Mais si l’on lui retire sa source d’énergie ou un de ses engrenages… Elle ne pourra plus fonctionner ou son fonctionnement sera altéré..
Par exemple dans un jardin sans biodiversité, il y a peu d’espèces… Celles-ci, seront bien souvent des espèces dites « ravageuses » (chenilles, limaces, pucerons).
A contrario, un jardin à la végétation variée, aura une variété d’espèces plus importantes. Et dans celles ci, il y en aura pour réguler, chenilles, limaces ou pucerons. Dans votre jardin, quel que soit votre objectif (potager, verger, agrément…), vous avez, à vos côtés, des systèmes biologiques pour vous épauler dans votre production (de légumes, de fruits, de fleurs) (voir également notre interview de Vincent Albouy sur le sujet).
Le sol, une usine vivante
On relègue souvent le sol à un rôle de support, de substrat. Le sol du jardin est pourtant vivant et producteur de vie. C’est l’écosystème le plus peuplé existant. Dans l’empreinte d’un pas laissé sur un fol forestier, il y a autant d’être vivants que d’habitants en Suisse ! Et un hectare de sol forestier contient plus d’organismes vivants qu’il n’y a d’êtres humains sur la planète…
Le sol est un super-organisme vivant : il respire, assimile, accumule des réserves (qui serviront notamment aux végétaux). Il est au carrefour entre notre atmosphère et notre lithosphère (partie rocheuse de l’écorce terrestre). C’est là que coexistent l’eau, l’air, les organismes vivants et les matières organiques en cours de décomposition.
Il héberge toute une faune (vers, cloportes, mille-pattes), parfois minuscule (acariens, collemboles) qui s’y active. L’activité incessante de ces derniers et leurs interactions font du sol une usine à vie. Comme tout organisme vivant, le sol est fragile et peut « tomber malade ». Et quand il faut 500 ans pour constituer une terre arable, quelques semaines suffisent à le tuer ! Ce sol, si fragile, contribue activement aux cycles biogéochimiques essentiel à la vie : cycles de l’azote, du carbone… c’est une plaque tournante, sans laquelle la vie sur terre ne serait pas possible… Un sol qui ne fonctionnerait plus serait vite envahi par les déchets organiques de tout genre (végétaux, cadavre, crottes). Les plantes n’auraient plus les ressources nécessaires à la réalisation de la photosynthèse. Et l’ensemble de la chaîne alimentaire (herbivores et carnivores) cesserait de fonctionner…
Les décomposeurs, « éboueurs du sol »
Nous l’avons dit, dans le sol s’activent des organismes décomposeurs (que l’on retrouve dans le compost. Ce sont des bactéries, des champignons des insectes des crustacés (les cloportes), des vers… Ils consomment et recyclent les déchets organiques : feuilles et végétaux morts cadavres et crottes des animaux… Un morceau de feuille passe dans le tube digestif de 20 espèces différentes avant d’être transformé en matière minérale.
Les décomposeurs sont souvent spécialisés. Les coprophages consomment les crottes d’autres animaux. Les nécrophages s’intéressent aux cadavres. Les saprophages mangent de la matière végétale en décomposition. Les xylophages s’occupent du bois mort. Ce sont eux qui assurent la fertilité du sol. En décomposant petit à petit la matière organique en humus. Ce mot possède la même racine que le mot humain. Il est, en effet, vital à tous les cycles dont dépendent finalement l’humain et la vie sur terre. C’est de l’humus que sont libérées les matières minérales dont auront besoin les plantes.
Les plantes du jardin, machineries photosynthétiques
Les végétaux chlorophylliens sont les seuls capables de synthétiser leur matière organique (glucides, protides et lipides). Il le font en prélevant des molécules minérales (azote, phosphates, apportés par l’activité du sol) et du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Cette synthèse utilise l’énergie lumineuse d’où son nom de photosynthèse (Du grec phôtόs qui signifie lumière). Les animaux ne peuvent synthétiser leur matière organique de cette façon. ils doivent se nourrir de matière organique existante : végétaux ou animaux…
La chaîne alimentaire, le cycle de la vie dans l’écosystème
Les animaux de votre « écosystème jardin » doivent donc se nourrir de matière organique vivante.
Les végétaux vont donc servir de nourriture à une multitude d’animaux (dont les hommes). Ceux-ci s’appellent phytophages ou consommateurs primaires. ils tirent leur énergie de la consommation de végétaux (pucerons, limaces, chenilles, criquets mais aussi les butineurs et pollinisateurs). Ils peuvent être spécialisés : il ne consomment qu’une plante, voire qu’une partie de cette plante.
A priori indésirables au jardin, il sont pourtant utiles à l’équilibre de l’écosystème. Ils servent à nourrir les prédateurs (coccinelles, libellules, araignées, hérissons, crapaud, oiseaux, etc.) qui ne pourraient survivre sans leur présence. Mais ils servent aussi à réguler l’extension de végétaux parfois indésirables. Parmi ces ravageurs, peu sont de véritables ravageurs. Et ces ravageurs ne le sont devenus que récemment (au cours du XXe siècle) : l’utilisation des produits phytosanitaires (insecticides, herbicides…) ont détruit leurs prédateurs naturels.
L’importance des prédateurs pour réguler les phytophage de l’écosystème
Ces phytophages sont à leur tour mangés par les prédateurs. Ces derniers se nourrissent de proies vivantes, utilisent une espèce pour se nourrir. Certains sont spécialistes (la coccinelle ne mange que des pucerons) ou généralistes (le crapaud consomme toute sorte d’insectes… La rivalité pour la nourriture est si forte qu’elle conduit chaque prédateur a adopter des spécialisations : anatomique ou comportementale. Un prédateur consomme autant de proies qu’il peut consommer. A titre d’exemple une larve de coccinelle peut consommer 100 à 150 pucerons par jour.
Par cette prédation, il a la capacité à limiter la population de ses proies. Celles-ci dispose, en général, de capacité lui permettant d’échapper (camouflage, fuite…). Quand il ne peuvent pas fuir, ils compensent une prédation élevée par un fort taux de reproduction.
C’est ainsi que l’absence ou la faiblesse d’une population de prédateurs dans un écosystème peut entraîner une pullulation des proies (les pucerons, par exemple, en l’absence de coccinelles ou d’autres prédateurs). A l’inverse, la présence d’une diversité de proies conditionnent une présence accrue et diversifiée de prédateurs.
Les insectes pollinisateurs, un partenariat avec les fleurs
Les pollinisateurs sont des insectes (abeilles, coléoptères, papillons, bourdons) qui, en prélevant le nectar ou le pollen des plantes assurent la pollinisation des fleurs. La pollinisation assure la fécondation des fleurs en mettant en relation le pollen des étamines avec le pistil des plantes. De nombreuses plantes, dont les arbres fruitiers dépendent de cette interaction. Bourdons et abeilles mais aussi de nombreuses mouches, abeilles solitaires ou papillons jouent un rôle prépondérant .
80% des plantes à fleurs dépendent des insectes pour leur reproduction. La part de production liée directement à la pollinisation par les insectes atteint 80% pour les fraises, les cerises, 90% pour les melons, framboises, cassis, groseilles, 70% pour les pommes.
Cette relation millénaire a donné lieu à de adaptations surprenantes entre les insectes et les plantes : certaines orchidées (Orphrys) ne produisent pas de nectar mais des phéromones similaires à ceux d’une abeille. L’un des pétales imite l’abdomen d’une abeille. L’odeur et la pilosité de ce pétale attire l’insecte qui se fait « piéger…
De la proie nourrissant le prédateur aux « ingénieurs » du sol, en passant par les précieux pollinisateurs, aucune « petite bête » de votre jardin n’est là par hasard. Chacun a sa leur place dans cet écosystème, ni « utile », ni « nuisible », ni ami, ni ennemi… Parmi les diverses espèces que l’on trouve dans un jardin, seules quelques-unes posent véritablement problème. Par exemple, sur 273 oiseaux nichant en France, moins de 10 d’entre eux causent des dégâts aux cultures. Mais si la diversité n’est pas présente, elle peuvent pulluler et devenir problématiques.