Voleur de poules, propagateur de maladies, concurrent des agriculteurs ou éleveurs… Le renard n’a pas toujours la côte… Pourtant par son activité de prédateur, il apporte de nombreux services au sein des écosystèmes… La Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères pointe l’incohérence du classement du Renard roux (mais aussi des petits mustélidés) comme Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts (ESOD). Nous avons échangé avec le groupe « Moyens et Petits Carnivores » de la SFEPM à ce sujet
Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots la situation du renard roux dans l’Hexagone ?
Le Renard roux est largement réparti sur tout le territoire métropolitain, y compris en Corse. Lors de son évaluation dans la Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature, il a été évalué dans la catégorie “Préoccupation mineure”, avec une tendance de la population considérée comme stable, qui montre toutefois des variations locales. On ne connaît pas la taille des effectifs de renards en France. Il n’existe pas, en effet, de protocole fiable et rigoureux qui permette de compter l’ensemble des individus présents), mais ils sont probablement importants. Pour vous donner une idée, l’estimation du tableau de chasse national par espèce sur la saison cynégétique 2013-2014 s’élevait à plus de 400 000 individus tués.
Le renard : un animal avec une remarquable capacité d’adaptation
– Intelligence, capacité à communiquer… c’est un animal étonnant… Pouvez-vous nous en parler ?
Le terme « intelligence » peut avoir plusieurs définitions dans le monde animal. Selon le contexte, on peut parler de remarquable capacité d’adaptation et d’apprentissage.
Le Renard roux est présent dans tout l’hémisphère nord, et même en Australie (où il a été introduit). Il occupe une grande diversité de milieux, de la toundra aux déserts en passant par le centre de certaines villes. Normalement plutôt diurne, il s’est adapté à nos activités. Il est désormais actif majoritairement la nuit (même si on peut l’observer aussi en journée). Cet animal est aussi capable d’apprendre et de retenir certaines informations pour les réutiliser plus tard. Il peut revenir sur un site où la chasse a été fructueuse. Il sait aussi reconnaître les individus de son groupe social. Longtemps considéré comme un animal solitaire parce qu’il se déplace et se procure sa nourriture seul, le Renard adopte une structure sociale différente selon les habitats présents. Lorsque les conditions sont favorables, un couple dominant partage son territoire avec d’autres individus adultes de rang social inférieur, dits « subordonnés », et vivent donc en groupe.
Un rôle de régulateur au sein des écosystèmes
Par son activité de prédateur, le renard n’a-t-il pas un rôle important dans la régulation des rongeurs ?
Le Renard est en effet un prédateur généraliste et opportuniste. Ce qui signifie que son régime alimentaire varie selon les ressources disponibles dans le milieu. Vu l’étendue de sa répartition, son régime est donc très variable. Mais on peut dire qu’en France, il se nourrit principalement de micromammifères (qui représentent environ 75 % de son régime), notamment les campagnols, et secondairement de lapins et lièvres, de fruits, de baies, d’oiseaux, de champignons, d’insectes ou de vers de terre ainsi que d’animaux morts ou de détritus qu’il récupère dans les décharges et les poubelles. Ainsi, en tant que prédateur, il contribue avec d’autres espèces à réguler naturellement les populations de petits mammifères proies comme les rongeurs. Il participe à ralentir, voire à espacer les pics de pullulation de certaines espèces qui causent parfois des dégâts aux cultures, remplissant de ce fait un rôle d’auxiliaire des cultures.
Une place importante dans notre patrimoine culturel
Étant donné son importance dans l’écosystème et le peu de dégâts qu’il provoque… Pourquoi le considérer comme nuisible et plus particulièrement comme « Espèce Susceptible d’Occasionner des Dégâts » (ESOD) ?
Historiquement, il a une place importante dans notre patrimoine culturel. En effet, il vit à proximité des lieux habités et fréquente les champs cultivés. On a rapidement piégé, traqué et chassé ce « mangeur de poules ». Aujourd’hui, on voit encore le Renard comme le concurrent de l’agriculteur, l’éleveur et du chasseur…. Et il continue d’être persécuté pour cela. Chaque année, on tue des centaines de milliers d’individus pour le loisir de certaines personnes, via des pratiques discutables (notamment la vénerie sous terre comme pour le blaireau NDR). Le tout sans argument valable, simplement parce que la loi l’autorise. En plus de l’aspect éthique, il est alors aisé de comprendre en quoi la destruction d’autant de prédateurs peut perturber la régulation naturelle de rongeurs… Et l’augmentation des dommages sur les activités agricoles. Un contresens total en somme.
Revoir notre perception du Renard…
Qu’en est-il de la rage ? Peut-on encore soupçonner le renard de la propager ?
En effet, le Renard a, malgré lui, contribué à propager la rage dans les années 1970 en France. Toutefois, grâce à la vaccination orale des individus, le pays a depuis lors obtenu le statut de « pays indemne de rage terrestre » par l’Organisation mondiale de la santé animale. Pourtant, cette mauvaise image d’animal porteur de la rage continue malheureusement de lui nuire et de favoriser sa destruction. Cependant, aucune des zoonoses prévalentes en France actuellement n’est considérée par Santé Publique France comme un problème majeur de santé publique.
Que peut-on actuellement faire pour faire évoluer la situation du renard en France ?
Comme cela a été démontré dans notre argumentaire, on attribue un grand nombre de problèmes, plus ou moins sérieux, et plus ou moins fondés au Renard. Cela, en dépit des nombreux services qu’il apporte au sein des écosystèmes et les problèmes que la politique de gestion actuelle de l’espèce génèrent. Outre le manque criant de preuves permettant d’attester de l’efficacité des méthodes de gestion de l’espèce, ces dernières sont parfois d’une cruauté sans nom et d’un autre temps (par exemple le déterrage). Il est grand temps de revoir notre perception du Renard et toutes les nuisances qu’on lui attribue. Cela pour lui redonner toute sa place dans les milieux naturels. Ainsi, le retrait de cette espèce de la liste des “espèces susceptibles d’occasionner des dégâts” (ESOD) et l’interdiction des méthodes de gestion associées (destruction) seraient déjà un grand pas en avant vers sa restauration en tant que partie intégrante de nos paysages et garant de l’équilibre de nos écosystèmes.