Dimanche matin, premier jour du mois de mai, dans le massif de la Madeleine : un massif forestier de 400 hectares. Il fait partie d’un massif plus vaste (6624 hectares) : la Forêt d’Évreux. C’est dans ce cadre que Claudie et Myriam Baran nous ont donné rendez-vous pour une « immersion en forêt ». Celle-ci nous était proposée dans le cadre du festival Les AnthropoScènes (imaginé et développé par le Tangram) .
Et vu qu’il est question d’Anthropocène… Nos deux intervenantes nous ont proposé de découvrir le principe de la Deep Time Walk (marche du temps profond). Comment cela fonctionne ? Chaque millimètre représente 1000 ans, chaque pas 500 000 ans, chaque mètre 1 million d’années. Nous voilà donc parti pour une marche figurant 2,6 milliards d’années ! Remontez avec nous les années, le temps d’une immersion dans la forêt…
Apparition de la vie et symbioses…
Le début de notre Deep Time Walk est situé il y a 2,6 milliards d’années. Soit pas loin de la moitié de l’existence de notre planète. C’est le moment qu’a choisi un organisme vivant, la cellule eucaryote, pour faire son apparition. Au dessus de nos têtes, un pouillot véloce chante. Au loin, un chevreuil aboie. Les feuilles des arbres bruissent… Nous croisons de nombreux cyclistes et joggeurs… Peut-être l’ignorent-ils mais tous ces êtres vivants ont la particularités d’être des eucaryotes.. Ce sont des organismes dont le matériel génétique est contenu dans un noyau (ou enveloppe nucléaire).
Nous faisons ensuite des pas de géant dans le temps à mesure que nous progressons dans la forêt. Nous voici arrivé à la Mare Verte, une des nombreuses mares qui jalonnent le massif. C’est d’ailleurs l’une des plus grandes mares et un important réservoir de biodiversité. Amphibiens (grenouilles, salamandres…) et insectes (libellules et demoiselles) y trouvent le gîte et le couvert. Mais sur le fil du temps illustré par notre marche, nous sommes très loin de l’apparition de ces dernières (à 3,8 millions d’années). Et si, à cette époque, la vie se développe hors de l’eau, c’est sous la forme d’une symbiose*…
Quand la vie se diversifie…
Un peu plus loin alors que nos pas remontent métaphoriquement le temps, nous voilà à l’explosion cambrienne. Ce moment où la vie se diversifie au sein des océans.
Quelques mètres nous séparent d’une nouvelle étape dans l’évolution de la vie (4,13 milliards d’années). La vie colonise plus amplement la terre : insectes, crustacés, premières plantes et mousses…
Nous continuons d’avancer et nous nous dirigeons vers une nouvelle mare (la mare du Dégout). Notre marche s’arrête à 4,2 milliards d’années. À l’ombre des hêtres, charmes et autres bouleaux, nous évoquons les forêts du carbonifère et ses fougères géantes. À cette période apparaît la lignite qui donne sa rigidité aux troncs. C’est l’enfouissement de ces végétaux qui nous fournira bien plus tard, lors de la révolution industrielle, le charbon.
C’est à cette même période qu’apparaissent les amphibiens. Les chants des grenouilles que nous entendons sont donc apparus bien avant nous, il y a 300 millions d’années !
L’homme, cet invité de dernière minute…
Notre marche s’accélère.. Extinction entre la période du Permien (4,35 milliards d’années) et celle du Trias… Apparition, règne et extinction des dinosaures entre le Trias et le Crétacé (de 4,4 à 4,53 milliards d’années environ). Autour de nous, les premières fleurs et leurs fidèles partenaires, les pollinisateurs. Ceux là même qui transportent du pollen de fleurs en fleurs et assurent la reproduction de celles-ci sont de sortie. L’occasion de se souvenir qu’insectes et fleurs ont commencé leur coévolution** à l’époque des dinosaures… Et le chant d’un merle nous rappelle également que les oiseaux de nos forêts sont de lointains descendants… De ces mêmes dinosaures…
Dernière ligne droite avant la fin du parcours… Il ne reste plus « que » 66 millions d’années avant notre époque : c’est le moment où les mammifères apparaissent. Et voilà, que très vite, survient Toumaï. Certains le considèrent comme étant à l’origine de la lignée des hominidés (la famille de primates à laquelle nous appartenons). Six pas plus loin c’est Lucie… et l’Homme se redresse sur ses deux jambes. Nous faisons cinq pas : Homo Erectus et Homo Habilis (invention des outils, fabrication de vêtements et domestication du feu)… Un demi pas plus loin commence l’histoire d’Homo Sapiens, invité de dernière minute de cette histoire de la vie. Pour avancer dans cette nouvelle ère que l’on appelle Anthropocène, il ne faudra qu’un demi pied.
Échanges et découvertes
Ainsi s’achève cette déambulation dans la forêt ébroïcienne dans le cadre du festival Les AnthropoScènes. Nos guides l’ont aussi voulue ponctuée d’échanges et de découvertes en tout genre. Des caméras endoscopiques pour observer les têtards, des stéthoscopes pour écouter circuler la sève des arbres… Mention spéciale à ce moment où l’ensemble des participants ont pu écouter le chant des plantes… Cela grâce à un capteur traduisant l’activité électrique des plantes en un son (très) harmonieux.
En savoir plus sur Les Coulisses de la nature sur leur site internet
Les AnthropoScènes est un festival proposé par le Tangram
*une association, une relation durable et intime entre deux espèces) entre une algue et un champignon : le lichen
** soit deux espèces qui évoluent simultanément du fait de leur proximité.