Pourquoi sortir dans la nature avec les enfants ? Quels sont les bienfaits de la connexion à la nature ? Nous avons rencontré Sarah Wauquiez, auteure de « Les Enfants Des Bois, pourquoi et comment sortir en nature avec de jeunes enfants ? »
L’Appel d’Être : Bonjour Sarah, pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?
Je suis enseignante en primaire et psychologue de formation. Pendant mes études, j’ai commencé à travailler régulièrement en nature avec des 3-5 ans. L’occasion parfaite pour lier les théories de la psychologie du développement avec la pratique et d’observer, en même temps, les effets de la nature sur le développement du jeune enfant.
LADE : Quelles sont les raisons qui vous ont poussée à écrire « Les enfants des bois » ?
Je viens de la Suisse alémanique où les projets, formations et ouvrages pour travailler en nature avec des enfants sont bien répandus. En 1999, j’ai donné la première formation en français sur la pédagogie par la nature avec ma collègue. En scrutant la littérature et en demandant aux participants, on s’est rendu compte qu’il n’y avait aucun livre en français qui fournit le bagage nécessaire aux professionnels pour sortir régulièrement en nature avec de jeunes enfants. J’ai donc écrit « Les Enfants Des bois« .
En réalité, essentiel et simple
LADE : Pourquoi est-ce si important de reconnecter les enfants à la nature ?
Parce que les expériences en nature sont nécessaires pour un développement sain. Parce que sans contact avec la nature, un art de vie durable ne peut pas réussir. Et parce que l’apprentissage dans et par la nature est motivant, intégral et « fait sens ».
LADE : Et à quelle nature faut-il les reconnecter ? Une sortie dans un parc / un square est-elle suffisante ?
Bien sûr ! Il faut se connecter à son environnement proche, autant à l’environnement naturel que celui construit par l’homme. En tissant un lien avec son entourage et en participant à son amélioration, on devient un citoyen engagé.
LADE : Quels sont les conséquences de ce déficit de nature chez les enfants ? A-t-il un impact sur la future vie adulte de l’enfant ?
Oui, on pourrait en citer beaucoup : obésité, maladies physiques, plus d’accidents de chute, dépression, agressivité, perte de sens et d’utilisation des sens… Mais surtout déconnexion de l’environnement proche, de notre base de vie, perte de respect envers le vivant… Et donc surexploitation des ressources.
LADE : Si on y réfléchit bien, en France, les enfants / adolescents passent une large partie de leur scolarité entre quatre murs, assis dans une pièce… Ne devraient-ils pas sortir plus souvent ?
Oui ! C’est pour ça qu’on a écrit un deuxième livre qui montre aux enseignants de la maternelle et du primaire pourquoi, et comment, enseigner toutes les matières dehors. Il sortira en 2018 sous le titre « L’école à ciel ouvert ».
Une culture de la « sécurité »
LADE : Le problème ne vient-il pas – comme le disait François Terrasson – d’une certaine culture de la méfiance vis à vis de la nature ?
Dans notre évolution, pour pouvoir survivre, on a dû apprendre à se méfier de certaines manifestations de la nature. Avec l’ère industrielle, la nature a commencé à quitter de plus en plus notre quotidien. Aujourd’hui, je pense qu’un problème fondamental vient de notre besoin de contrôle, d’être maître sur toute chose : notre environnement, nos enfants, nos parcours de vie. Donc on interdit, on se laisse submerger par la peur, la sécurité est au premier plan. Mais à quel prix ? On oublie souvent les effets indirects qu’une prison « sécurisée » entre quatre murs peuvent avoir sur nous et nos enfants; on ne voit que l’accident possible après une chute de l’arbre.
LADE : quel regard portez-vous sur les nouvelles technologies, les objets connectés qui arrivent de plus en plus tôt dans les mains des enfants… N’est-ce pas un obstacle de plus entre eux et la nature ?
Cela peut, mais pas nécessairement. Il faut trouver le bon équilibre entre les expériences High-Tech et High-Touch. Si un enseignant de la maternelle est obligé par le programme scolaire d’utiliser des écrans, mais non de faire des expériences directes en nature, quelque chose cloche. Pour pouvoir bien saisir un concept, il faut passer par des expériences directes et multisensorielles.
LADE : À un parent, un enseignant qui voudrait « s’y mettre », que conseillez-vous ? Par quoi faut-il commencer ?
Commencez simple, par ce qui est possible sans grand effort dans votre cadre. Il ne faut ni beaucoup de matériel, ni une jolie forêt à côté. Découvrez les environs autour de la maison, de l’école. Allez-y régulièrement : avec la régularité, tout devient plus facile. Ne vous laissez pas décourager par la phase du début qui peut être pénible. Cherchez l’échange avec des collègues qui tirent dans la même direction. Profitez d’une formation continue ou des bons ouvrages, comme « Trésors du dehors » ou bientôt « L’école à ciel ouvert ».
Crédit photographique : Gabriela Fürer