En 2020, une maladie infectieuse apparue en novembre 2019 en Chine, oblige une large partie de l’humanité au confinement. Un virus qui trouve son origine chez un animal et qui aurait été transmis à l’homme via un animal vecteur… Une « prolifération » qui pourrait donc s’ajouter à celles évoquées par Anna L. Tsing . En effet, le livre Proliférations s’intéresse, aux déséquilibres créés par le monde moderne… Et ce qu’Anna Tsing appelle les « ruines du capitalisme »).
« Alors que le monde devient une plantation, des agents pathogènes prolifèrent, tuant même les plantes et les animaux communs »
Anna Lowenhaupt Tsing
L’autrice : Anna Lowenhaupt Tsing
Anna Tsing est professeure d’anthropologie à l’université de Californie. Son travail sur l’anthropologie multi-espèces et la globalisation est devenu une référence au sein des pensées de l’écologie. Elle est l’autrice de nombreux textes, dont Le Champignon de la fin du monde (2017) aux éditions de la Découverte.
Ce que l’on retient de « Proliférations »
- Anna Tsing différencie deux interactions de l’homme à l’environnement : les plantations de l’Anthropocène et la résurgence de l’Holocène.
Les plantations de l’Anthropocène évoquent, de façon globale, des systèmes écologiques simplifiés, voire appauvris dont le but est de créer des biens de consommation…
La résurgence de l’Holocène, ce sont les relations entre les différentes espèces qui, par leur diversité et les « négociations » qu’elles mettent en place, permettent aux systèmes écologiques de se régénérer après une ou des perturbations. Pour Anna Tsing :
« Les humains ne peuvent donc pas continuer à vivre sans elle. La dépendance des moyens de subsistance des humains à l’égard de la résurgence est particulièrement évidente (…) »
Anna Lowenhaupt Tsing
- L’Anthropocène est une nouvelle ère dans la laquelle l’Homme est devenu la contrainte géologique majeure par l’addition « d’écologie de plantations, de technologies industrielles, de projets de gouvernance étatique et impériale, et de mode d’accumulation capitaliste ». Autant d’actions qui ont modifié le climat et accru le rythme d’extinction des espèces venant menacer la diversité inter-spécifique (les fameuses relations entre espèces)…
L’Holocène est la période (démarrée il y a 12 000 ans) qui, chronologiquement, précéderait l’Anthropocène. Pour Anna Tsing, « les modes d’existence de l’Holocène n’ont pas disparu ». Ils font toujours partie de notre monde, même s’ils existent sous la pression de l’écologie des plantations…
Pour préserver la viabilité de la biosphère, Il convient donc de prêter attention aux processus rendus possibles par la diversité des espèces (et les interactions entre celles-ci) qui permettent la résurgence : la forêt qui repousse après l’incendie, les espèces végétales qui ont reconquis des territoires après la glaciation…
Les « plantations » des « incubateur » favorisant les proliférations pour les maladies et parasites
- Pour démontrer son propos, Anna Tsing prend l’exemple des relations des plantes et des champignons.
– Dans l’écologie de résurgence, les champignons, comme le matsukake, agissent comme des agriculteurs : ils prennent soin des plantes en leur fournissant eau et nutriment. En retour, les plantes leur apportent des glucides…
– Dans l’écologie de plantations, ceux-ci deviennent des prédateurs, à l’image de Hymenoscyphus pseudoalbidus, un champignon qui provoque la mort des frênes. Un festin de champignons prédateurs rendu possible par la simplification propre à l’écologie de plantations.. - Ainsi quand des organismes vivants sont extraits de leur milieux d’origine, ils sont privés des espèces avec lesquelles ils pouvaient développer des partenariats… Et les plantations deviennent des « incubateurs pour les parasites et les maladies ».
- Autre exemple, dans le premier texte : celui de la Merremia peltata, une liane ligneuse (une plante grimpante qui peut produire de la lignine, le composant du bois). Alors que dans la forêt de Bornéo, elle cohabite sans problème avec d’autres végétaux, là où l’exploitation des forêts a transformé le paysage, celle-ci prolifère, étouffant les autres végétaux…
Pourquoi on aime « Proliférations »
- Un plaidoyer limpide pour la richesse multispécifique (associant plusieurs espèces vivantes) : pour Anna Tsing, si une plante ou un champignon en vient à passer de paisible partenaire à redoutable prédateur, ce n’est pas elle la responsable. Ce sont les pratiques des plantations qui ont donné la possibilité de voir émerger « de nouveaux monde sauvages ». Mais ces derniers n’ont rien de viables. La solution que propose Anna Tsing est de travailler en commun avec les autres formes de vies, de considérer les relations de dépendance et d’interdépendance dont nous avons besoin pour vivre. Et donc, de sortir des récits qui contribuent à donner à l’homme une position centrale, de contrôle sur les autres espèces.
- Une autre vision du développement soutenable : pour l’autrice, si nous voulons transmettre une terre vivable aux générations futures, nous devons reconstituer des paysages viables, favorisant l’action de nombreux être vivants et donc « alignés sur les dynamiques de la résurgence multi-spécifique ».
C’est à ces conditions que le terme « soutenabilité » a un sens :
« Tant que nous excluons tout ce qui est humain, nous faisons de la soutenabilité un terme médiocre et étroit »
Anna Lowenhaupt Tsing
Proliférations, un livre d’Anna L Tsing, publié en 2022 aux éditions Wild Project