Régulièrement, l’Appel d’Être invite des artistes, chercheurs, journalistes, écologues à répondre à la manière dont il interagissent avec les autres vivants… Ou à proposer leur vision sur la nature, la biodiversité. Pour cette première, l’équipe des Coulisses de la Nature*, Claudie et Myriam Baran, que nous avons rencontré lors du Festival AnthropoScènes (voir notre compte rendu de l’immersion nature) à Évreux ont accepté de se prêter à l’exercice avec spontanéité !
1- Quel est votre souvenir le plus ancien de votre rencontre avec le vivant ?
Claudie Baran : Mon souvenir le plus ancien est ma rencontre, encore enfant, avec le végétal et l’animal. Gamine, allongée dans un champ entre mer et étangs, je divaguais le nez dans le ciel et baignais dans un univers sonore. Le minuscule s’exprimait bruyamment. Le vent jouait une harmonique parfaite avec les herbes folles, les feuilles des arbres et intégrait mon corps à la philharmonique de cette nature sacrée. Je faisais partie du Grand Tout.
Myriam Baran : Mes sœurs et moi avons très tôt été éveillées au respect du vivant par des parents écolos avant l’heure. Très tôt, je me suis sentie gardienne du respect de la nature. Empêchant les touristes de dévaler les dunes d’oyats pour descendre sur la plage avec leurs bateaux pneumatiques gonflés ou courant derrière un pêcheur qui avait jeté sa boite d’appâts en polystyrène dans l’étang après sa session de pêche. Mais ce qui a bercé mon enfance, ce sont mes élevages d’escargots, que je collectais dans les champs pendant les vacances d’été, pour tenter de comprendre leur hermaphrodisme et observer leur reproduction.
« Un instant présent où la jubilation efface passé et futur… »
Claudie Baran
2- Quelle est l’œuvre d’art qui traduit le mieux notre rapport au vivant ?
Claudie Baran : La Danse du Veau d’Or d’Emil Nolde (peintre expressioniste allemand – NDR) ou peut-être ces toiles de Fragonard ou Boucher et leurs séries sur les femmes à la balançoire. Chez ces peintres, j’ai trouvé une réponse au rapport à la Nature et à Sa nature. Ces femmes incarnent le lien entre individu et sacré, érotisme et ésotérisme. Entre transcendance et immanence que tout être tisse inexorablement avec la vie, la mort et le Vivant. Toutes ces toiles s’inscrivent dans un instant présent où la jubilation efface passé et futur. Seul compte l’instant vibratoire qui unit le modèle à sa part sauvage chez Nolde et à son environnement chez Boucher et Fragonard.
Myriam Baran : L’intense bourdonnement des insectes pollinisateurs qui volent de fleur en fleur crée une musique étourdissante très bien illustrée au piano par Rimsky-Korsakov dans son vol du bourdon et reprise aux instruments à cordes par Rachmaninov. Je suis envoûtée par cette musique. C’est la musique de la vie.
3- L’animal ou plante préféré.e pour Les coulisses de la nature?
Claudie Baran : Le renard car il ne s’expose jamais à la lumière mais habite pleinement son écosystème loin de la fureur des hommes. Il est agile, futé, résilient. Évidemment ils et elles sont nombreux.ses !
Myriam Baran : Le blob m’intrigue incroyablement. Ni animal, ni plante, ni champignon. Unicellulaire gigantesque. Capable de mémoire et réflexion sans cerveau. 272 sexes différents. Une énigme !!!! Sinon je suis fascinée par l’intelligence des orchidées qui orchestrent une danse nuptiale ultra sophistiquée avec les insectes pollinisateurs depuis des millions d’années et par les plantes carnivores qui ont transformé leurs feuilles en estomacs pour digérer les mouches ! Et si je devais me transformer en animal je voudrais devenir une mouette… rieuse ! Capable de voler comme de nager. Adaptant sans cesse son comportement aux conditions météo, en pleine mer, dans les terres, en ville ou sur la plage… opportuniste et solidaire au sein de sa famille.
« Le vivant est caractérisé par son incroyable capacité à s’adapter sans cesse aux conditions environnementales et à se relever des atteintes et offenses qui lui sont faites. »
Myriam Baran
4- Le don du vivant le plus précieux pour Les coulisses de la nature?
Claudie Baran : L’adaptation et le respect des cycles…..
Myriam Baran : L’adaptabilité et la résilience. Le vivant est caractérisé par son incroyable capacité à s’adapter sans cesse aux conditions environnementales et à se relever des atteintes et offenses qui lui sont faites. Nous avons tous été éblouis par les dauphins revenant à Venise pendant le confinement, pour ne citer que cet exemple.
5- Ce qui vous rend le plus heureux dans votre rapport avec les autres vivants ?
Claudie Baran : L’animalité.
Myriam Baran : La compréhension mutuelle, la confiance réciproque. La première fois que j’ai pu prendre ma jument dans les bras… J’étais assise par terre, elle allongée la tête sur mes genoux.. Cela a été un moment de communion absolue, de félicité parfaite. Elle me faisait confiance au point de s’abandonner totalement et s’endormir sous mes caresses. Nous étions en osmose totale. Il n’y avait plus aucun rapport de hiérarchie. Juste de la confiance absolue et de l’amour.
*Les Coulisses de la Nature est une association pour les arts et sciences du vivant. Elle estbasée en Bretagne, dans la forêt de Brocéliande. Pour découvrir plus en détail leur univers, rendez-vous sur leur site internet